Cet été, Ecran sonore, Kobo et la Fnac vous régalent avec trois nouveaux épisodes de la Couleur des Mots, la série qui s’attache à faire raconter, par des auteur.e.s aux itinéraires littéraire et identitaire singuliers, comment leur vécus et leurs histoires ont nourris leur volonté d’écrire. Une mosaïque de portrait sensibles qui rendent comptent de la richesse de notre société et qui contribuent à l’imaginaire du monde de demain. Et si on devait résumer, cette série, c’est une plongée dans ces mots porteurs de sens, ces mots qui sauvent, ces mots qui soignent, ces mots qui créent.
Faïza Guène, jeune prodige
Faïza Guène est une comète. Avec humour, légèreté, tendresse et subtilité, ses mots nous tendent un miroir. Et surtout, elle manie à la perfection l’art de la complexité.
Ses mots parlent d’honneur occulté, d’exils, de transmission, de générations, de tout ce qui fait royaume et humanité, même lorsque dire qui l’on est devient compliqué.
D’Aubervilliers à la Province de Msirda Fouaga en Algérie, du début des années 50 à aujourd’hui, du Maroc au VIème arrondissement de Paris, Faïza Guène nous rappelle que nous avons tous une histoire familiale… et qu’elle se transmet, malgré la discrétion qui l’entoure.
Anna Moï, sauvage et libre
Anna Moï est une sauvage ! Elle sourit lorsqu’elle révèle l’origine du pseudonyme d’écrivaine qu’elle choisît pour exister dans le monde de la littérature francophone ou plus précisément dans « la littérature monde ». Moï signifie sauvage en vietnamien. Et c’est ainsi que les colons français désignaient les 54 ethnies composant les 3 provinces de l’ancienne Indochine lorsqu’ils l’occupaient.
Née à Saïgon en 1955, Anna Moï fuit son pays en 1972. Elle choisit Paris comme destination. Polyglotte, elle parle plus de 8 langues couramment, c’est en français qu’elle écrit toute son œuvre et affirme « Je n’écris pas avec la langue des colons mais avec celle de Chateaubriand. » Pour comprendre son rapport au français et à la francophonie, on évoque son essai Esperanto, desesperanto, qui fit couler beaucoup d’encre lors de sa sortie. Son sous-titre est évocateur : la francophonie sans les Français. Sans aucun égard aux termes d’identité et de nationalité, Anna Moï ne prétend appartenir nulle part qu’à l’écriture.
Hella Feki, révolution émotionnelle
Avec son premier roman, Noces de Jasmin, Hella Feki nous plonge au cœur du premier des Printemps arabes. De Tunis à Sfax, les événements, les émotions et les combats vécus par certains des protagonistes de Janvier 2011 se détachent de la toile de l’Histoire pour mieux l’incarner, en faire une matière sensible, et la rendre palpable. Les générations s’y croisent, les histoires familiales aussi, c’est charnel, ample et habité. Voilà pour la trame.
Mais ce roman est bien plus que cela. À travers ses personnages, Hella Feki y développe une véritable esthétique de l’universel, du contact, du tout-monde, pour reprendre les mots d’Édouard Glissant. Une ode aux appartenances multiples, bien au-delà des généalogies et des déterminismes. Elle ouvre une fenêtre sur l’avenir et ses possibles, sur la puissance de la rencontre, sur le mystère et la magie des attirances pour ce qui ne nous ressemble pas.
POUR EN SAVOIR PLUS SUR L'ACTUALITÉ EN TUNISIE :
Makenzy Orcel, le fils de la femme baobab
Makenzy Orcel, le poète et romancier souvent présenté comme l’enfant terrible de la littérature haïtienne, aime répéter que “la langue nous permet de respirer au milieu du chaos ». Et que c’est à travers la poésie qu’il essaie de « mettre de l’ordre dans ce chaos ». Cette rencontre à l’occasion de la sortie de son dernier roman « l’Empereur », paru aux éditions Rivages et qui commence par l’évocation d’un meurtre commis par son héros attendant que la police vienne le chercher, eu lieu quelque jours avant l’assassinat du président de sa République meurtrie, Jouvenel Moïse. Étrange coïncidence. C’est là où est né en 1983 celui qui est devenu l’une des voix les plus remarquées d’un pays fascinant connu pour être le plus pauvre de l’hémisphère nord mais ayant la particularité d’avoir engendré un nombre impressionnant d’écrivains plongeant leur plume dans le bouillant encrier coloré de la langue française.